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Indépendants & libéraux : quelle réforme ?

Indépendants & libéraux : quelle réforme ?
600 personnes, aussi bien libéraux, indépendants, salariés, fonctionnaires que retraités, et experts de la retraite, en colloque à Paris le 25 juin dernier, pour imaginer la protection sociale du 21e siècle.

Palais Brongniart, 18h30. La réunion se termine après quatre heures d’échanges. Béatrice Créneau-Jabaud, Monique Durand, Franck Lefèvre et Jean-Claude Spitz, présidents respectivement des caisses de retraite des notaires (CPRN), des pharmaciens (CAVP), des chirurgiens dentistes et sages-femmes (CARCDSF), des experts comptables (Cavec), appuyés par le soutien de Viviane Schmitzberger-Hoffer, présidente de la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF), représentant les avocats, et la participation de François Courouble, représentant Gilles Désert, président de la caisse de retraite des vétérinaires (CARPV), ont défendu leur scénario alternatif à la réforme proposée par le Haut-Commissariat à la réforme des retraites (HCRR). Xavier Bertrand, en grand témoin, s’est engagé vigoureusement à leurs côtés, fort de son expérience de terrain comme de son expertise du dossier. Dans la salle, 600 auditeurs attentifs et proactifs, ouverts à la discussion, sont venus de toute la France pour entendre et contribuer à ce débat ô combien fondamental. Points forts.

 

Béatrice Créneau-Jabaud, présidente de Pro’Action Retraite, et de la CPRN, ouvre le colloque : réformer un système de retraite est un véritable enjeu de société. Les libéraux et les indépendants sont inquiets d’une réforme mal engagée. Ils ont en effet besoin d’un système de retraite adapté et qui respecte aussi bien leurs choix que leurs parcours de vie professionnels. Pro’Action Retraite défend une philosophie qui est celle de l’indépendance et de la liberté de choix, si chère aux libéraux, de l’équité, de la responsabilité, de l’efficacité, et de la modernité. Un régime universel ne doit pas être un régime unique ni uniforme. Pro’Action Retraite se situe dans une démarche constructive et s’inscrit dans le processus voulu par le Président de la République. Les membres de Pro’Action Retraite demandent une phase constructive avec le HCRR, de réflexion, d’échange, de concertation et de négociation, et souhaitent apporter au débat la pertinence et l’efficience des modèles des caisses fondatrices. Place aux débats.

Les chiffres, d’abord : un sondage Harris Interactive réalisé du 13 au 23 juin, acte une confiance semble-t-il relative des libéraux dans leur système de retraite (46 % confiants pour leur retraite future), meilleure que celle des Français dans leur ensemble (31 %) et que celle des indépendants en particulier (33 %). Ils insistent surtout largement, à plus de 80 %, sur l’importance des spécificités qu’ils attendent de leur système de retraite ainsi que sur son indispensable pilotage par leurs propres représentants.

 

Bertrand Candelon, Directeur de l’initiative de recherche « Gestion des risques et stratégies d’investissements » Insti7 – Institut Louis Bachelier et Denis Ferrand, Directeur général de Coe-Rexecode, ouvrent les débats : les enjeux sociaux sont indissociables de la nouvelle donne économique. Il faut composer avec un niveau de croissance durablement faible de nos économies, l’endettement record de nos États, et un niveau d’incertitude croissant. Un brin alarmistes, ils n’éludent rien : taux d’intérêt durablement faibles, rapports démographiques détériorés, inégalités intergénérationnelles, inégalités professionnelles, en termes d’espérance de vie notamment, autant d’éléments factuels qui ne permettent pas d’envisager un système de retraite étatique unique, ni soutenable économiquement, ni inclusif socialement. La solution ? Un système qui reposerait sur quatre piliers : un minimum vieillesse pour tous, des pensions liées aux cotisations versées, dans des régimes de retraite complémentaires obligatoires adaptés aux différents parcours professionnels, une épargne individuelle, les revenus du travail dans une solution de cumul emploi retraite. Le débat est lancé, appuyé par l’exemple de la Belgique. Vers quel système de retraite inclusif (à la carte) aller ? Quel poids attribuer à chaque pilier ? Quel arbitrage entre revenu et âge de départ à la retraite ? Comment assurer la période de transition ?

 

Xavier Bertrand propose pour sa part de « sanctuariser le droit à la retraite pour tous », dans une « inscription constitutionnelle » qui garantirait un niveau de retraite non financé par la dette. Il soutient le rassemblement des indépendants dans une force de proposition constructive et met en garde le gouvernement contre le risque d’affrontement d’un nouveau mouvement d’opposition à la réforme. Il insiste :

Les indépendants sont toujours les grands oubliés des réformes des #retraites. Ce ne sont pas des privilégiés, les spécificités de leur statut doivent être prises en compte notamment en matière de protection sociale.

tweet_Xavier-Bertrand-Pro'Action-Retraite

Tweet de X.Bertrand

Les questions fusent. Comment soutenir le poids financier des propositions envisagées par la réforme actuelle ? Comment soutenir notamment l’augmentation des cotisations de 14 à 28 % ? Comment ne pas envisager de tenir compte des spécificités des indépendants ?

 

Les tables rondes proposent des pistes : René-Paul Savary, Sénateur de la Marne, Vice-président de la Commission des affaires sociales, François Asselin, Président de la CPME, Franck Lefèvre, Président de la CARCDSF, co-fondateur de Pro’Action Retraite, Viviane Schmitzberger-Hoffer, présidente de la CNBF, François Courouble, Trésorier de la CARPV, et Pierre Mayeur, Directeur général de l’OCIRP, apportent leur éclairage et leurs idées sur les principes qui pourraient structurer une réforme systémique de notre système de retraite. Piliers obligatoires et complémentaires, dosage de répartition et de capitalisation, réponses spécifiques à chaque type de métier et de vie professionnelle, les échanges sont riches d’expérience et d’innovation, concrets, convaincants.

La gouvernance, principe essentiel à la bonne gestion, en toute indépendance et en garantie des principes démocratiques, est un enjeu majeur. Comme Xavier Bertrand, les économistes et les membres de la table ronde insistent sur l’impérieuse nécessité de ne pas laisser l’Etat pilote d’un tel système de retraite. Monique Durand, Présidente de la CAVP, co-fondatrice de Pro’Action Retraite, Hervé Novelli, ancien Ministre, créateur de Wiki PME, Éric Chevée, Vice-président de la CPME, Philippe Pihet, Secrétaire confédéral de Force Ouvrière, s’accordent : pas de bonne protection sociale sans dialogue social ni maîtrise par les partenaires sociaux et les professionnels de leur avenir. À l’unanimité, on s’accorde sur l’incontournable légitimité des indépendants à prendre leur avenir en main.

En conclusion, Jean-Claude Spitz, président de la Cavec, résume le scénario alternatif proposé par Pro’Action Retraite. Trois piliers : un régime de base universel de solidarité plafonné à un plafond de la Sécurité Sociale, des régimes complémentaires obligatoires spécifiques, adaptés aux différents parcours professionnels, un supplément individualisé laissé à la liberté de chacun, pour un système de retraite géré dans une gouvernance partagée, sur la base d’un dosage en souplesse de répartition et de capitalisation. Des points forts, fermes, mais qui soulignent la position constructive de Pro’Action Retraite, une troisième voie entre un régime unique d’État et l’absence de toute réforme. Une position, une nouvelle fois démontrée, d’ouverture au dialogue pour une réforme moderne de la protection sociale.

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